THEORIE MONETAIRE MODERNE (TMM)

 

Nous allons examiner cette vieille théorie, remise à l’ordre du jour par nos élites, qui anime les débats entre partisans et détracteurs.

Pour faire court, elle a pour origine le chartalisme, théorie développée par l’économiste Georg Friedrich Knapp au début du XXème siècle (Source : Wikipédia).

Celui-ci donne sa définition et l'appelle monnaie valuta : c'est le moyen de paiement définitif, c'est-à-dire n'impliquant aucun paiement ultérieur, au contraire des monnaies de crédit. Pourquoi pas ?

Voici une définition générale du chartalisme que donne Wikipédia :

Par définition, le revenu net de l'État, celui du secteur privé et celui de l'étranger s'annulent : (T - G) + (S - I) - BC = 0, avec T les recettes de l'État, G ses dépenses, S l'épargne privée, I l'investissement privé, et BC la balance courante donnant le revenu net dégagé par l'économie nationale sur l'étranger (il faut donc l'inverser pour avoir le revenu net de l’étranger). C'est une équation comptable, et non une équation de modélisation économique, elle est universellement vérifiée. On peut la lire ainsi : (S - I) = (G - T) + BC, c'est-à-dire que l'épargne privée nette est égale à la somme du déficit public et de la balance courante, donc que le secteur privé ne peut épargner que si un État s'autorise un déficit ou si l'étranger est lui-même en déficit.

Cette définition générale présente une erreur fondamentale : elle ignore totalement le crédit bancaire et ses ramifications, y compris les effets secondaires des émissions du Trésor public. On y reviendra. Si elle est universellement vérifiée, elle ne l’est pas par des comptables mais sans nul doute par des théoriciens.

Elle est basée sur une équation comptable qui s’avère fausse si on se livre à une démonstration faite à partir des comptes de la Nation française publiés par l’Insee ainsi que la montre le Tableau Economique d’Ensemble (TEE) 2017 (base 2005) simplifié, que l’on trouvera ci-après.

En voici nos commentaires.

La seule égalité que l’on trouve est la suivante : le financement de l’activité nationale est égal mais de sens opposé au financement étranger, ce qui est une évidence en matière d’échanges internationaux. En termes comptables, les Capacité (+) ou besoin (-) de financement National et Etranger s’annulent aux arrondis près (voir les deux dernières lignes du tableau). On notera donc qu’il ne s’agit pas de la balance courante (BC) de la formule.

Tout le reste paraît être sans fondement.

  TEE 2017 base 2005
en milliards d'euros        
     Economie
Nationale
Administr.
Publiques
 Secteur
Privé
         
P1 Production 4 028,5 486,3 3 542,2
P2 Consommation Intermédiaire -1 986,4 -111,7 -1 874,7
D21 Impôts moins subventions sur produits 249,6 249,6 0,0
         
  Valeur ajoutée brute / PIB 2 291,7 624,2 1 667,5
         
P3 Dépenses de consommation finale 1 779,3 540,1 1 239,2
         
P51 FBCF 515,9 77,5 438,4
P52 Variation stocks 21,0 0,0 21,0
P53 Objets de valeur 0,7 0,0 0,7
         
P5 Total P5 537,6 77,5 460,1
         
B11 Solde extérieur des échanges biens/serv. -25,3    
         
  Total P3 + P5 + B11 = PIB 2 291,6 617,6 1 699,3
         
         
B6g Revenu disponible brut 2 302,8 579,0 1 723,8
P3 Dépenses de consommat. Finale 1 779,3 540,1 1 239,2
         
B8g Epargne brute (B6g moins P3) 523,5 38,9 484,6
         
P5 FBCF + Stocks + Objets de valeur 537,6 77,5 460,1
D9 Transferts nets -1,4 20,5 -21,9
NP Aquisit. moins cessions actifs non prod.   2,3 -2,3
         
B9A Capacité (+) ou besoin (-) de financ. Nation. -12,7 -61,4 48,7
B9A Capacité (+) ou besoin (-) de financ. Etrang. 12,8    
         

De plus, cette théorie suppose que la monnaie est émise par le souverain (Trésor public, Banque centrale), alors que l’on sait que les banques secondaires émettent la seule monnaie de masse qui alimente les échanges entre les agents non bancaires (ANB).

Cependant, bien que cette théorie paraisse bien fausse, les conclusions qu’en ont tirées certains auteurs peuvent être examinées avec attention, car en économie les situations évoluent en harmonie ou non avec les dogmes.

« Un pays doté de la souveraineté monétaire ne peut être acculé au défaut puisqu'il peut toujours émettre de la monnaie pour rembourser ses créanciers, selon cette théorie ».

La MMT n'a guère de chance d'être mise en pratique au sein de la zone euro, les règles communes de gestion de la monnaie unique interdisant aux pays l'ayant adopté tout financement monétaire des déficits publics.

Elle fait par ailleurs l'objet de vives critiques de la part d'économistes et de responsables économiques et monétaires.
(Source : investir.lesechos.fr)

Si elle fait l’objet de tant de différends entre spécialistes, c’est donc qu’elle n’est pas universelle.

Reprenons maintenant la définition donnée au début de ce chapitre de la monnaie valuta qui est le moyen de paiement définitif, c'est-à-dire n'impliquant aucun paiement ultérieur, au contraire des monnaies de crédit.

Pour que cette définition puisse s’appliquer, échappons quelques instants aux règles de Maastricht et admettons avec Randall Wray :

« Un gouvernement souverain dépense en émettant sa propre devise et, étant l’unique émetteur de cette devise, il n’a aucune contrainte quant à sa capacité à dépenser. Il n'a pas besoin d'impôts ou d’émissions d’obligations ; il peut dépenser en créditant les comptes des banques ; c’est un simple jeu d’écritures… »

C’est évidemment un peu court, car il n’est pas dit dans quelles conditions l’Etat pourrait créditer les comptes des banques.

Mais, comme chacun sait, l’Etat c’est le gouvernement aussi peut-on s’attendre à des abus extravagants dans le choix des comptes à créditer. C’est ainsi la porte ouverte à la République des copains !

L’Etat n’aurait plus besoin d’emprunter, ni d’imposer les agents économiques. Bravo. Un simple jeu d’écritures nous ramènerait vite à la raison car l’ouverture des vannes de la distribution de monnaie sans restriction aurait pour effet une inflation ultra-galopante.

La monnaie n’ayant plus de valeur, l’or et les métaux précieux auraient vite fait d’atteindre des sommets.

Dans ces conditions, cette théorie nous parait pure folie, car inapplicable.

Mais, reprenons l’idée émise par ailleurs de confier à la Banque centrale la distribution de moyens de paiement directement aux agents économiques : les ménages. Il ne peut s’agir que de monnaie fiduciaire, des billets de banque. Cette idée ne peut être rejetée a priori, mais nécessite une étude approfondie des conditions d’application ne laissant aucune place aux abus, étude confiée donc à un organisme indépendant du pouvoir politique.

 

Octobre 2019


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